vendredi, novembre 24, 2006

L'Abbé De L'Épée

















Mon procès terminé, je fus emprisonné. Sept jours c'est pas comme des années mais quand tu es innocent, c'est du temps dur. Un prisonnier qui purgeait une longue sentence pour de la contrebande d'alcool me fit connaître l'auteur libanais Khalil Gibran. Un baume dans ma détresse.
Le jugement me turlupinait. Je crois que c'est la mention du nom de l'Abbé De L'Épée qui a déclenché ma mémoire. J'irai même visiter le professeur de physique en question, pour savoir si le nom de l'abbé ou des histoires de bidons, si ça collaient à de quoi dans son esprit. Il a dû penser que j'étais déjanté.
Quand on vis un tel choc, un tel traumatisme psychologique notre personne se défend d'une drôle de manière. Je devins "full" paranoïaque: trois systèmes de serrure sur ma porte d'entrée. Je dormais avec un marteau, un couteau et une lampe de poche. Au moindre bruit je sursautais et me précipitais avec mes armes vers la source du bruit . Quand je sortais à l'extérieur je regardais à l'arrière à tous les dix pieds et quand je rentrais chez moi je regardais dans tous les garde-robes, les dessous de lit, dans le frigidaire et sous le divan pour voir s'il n'y avait pas quelqu'un de cacher.
J'avais toujours été confiant dans la vie, jamais je n'avais barré mes portes et jamais eu peur pour rien. Un genre de dépression qui a fini par passer.
Un soir je demandai à voir l'Abbé De L'Épée. C'est parce qu'il y avait un espèce de bouffon invisible qui voulait jouer avec moi. Il voulait qu'on se batte avec une épée de plastique. Je sais que c'est complètement débile d'écrire cette dernière phrase mais c'est ainsi que je l'ai vécu.
Aussitôt que j'ai demandé à voir cet abbé, À ma grande stupéfaction, un visage m'apparut, suspendu en l'air, comme flottant dans un pâle nuage. Il était bien réel ce portrait. Je ne connaissais pas cet abbé mais je remarquai ses grands yeux et son front d'une immense étendue. Le lendemain j'ai essayé de voir une photo de cet abbé dans le dictionnaire mais il n' y en avait pas. Je finis par trouver un vieux dictionnaire dans lequel la photo de l'Abbé De L'Épée, bienfaiteur de l'humanité, était illustrée et c'était bien lui que j'avais vu.
C'est ce soir là que je décidai de me battre avec le système judiciaire. Ma sentence était purgée mais j'étais innocent et la justice avait erré. Un nouveau Don Quichotte allait confronter les moulins à vent du système judiciaire. J'avais subi un procès loufoque dans lequel des aberrations flagrantes s'étaient produites, des témoignages pleins d'invraisemblances et de contradictions avaient été crues et j'allais tenter de le faire reconnaître.