jeudi, novembre 02, 2006

La cloche.

Cet épisode de ma vie, où j'ai la conviction que tout a commencé, se situe au début des années 60. J'ai quatre ans et demi. C'est important les demis à cet âge. Noël approche, il est très tard dans la nuit et je suis éveillé. J'entends mon père et ma mère qui prie à haute voix dans leur chambre.
C'est à cause que mon père a une douleur atroce à la poitrine qui perdure. Ma mère est déjà descendu deux fois pour préparer des sodas, eau chaude et bicarbonate de soude. Ils soupçonnent l'estomac mais c'est le système artériel qui est bloqué. Moi je souffre d'entendre mon papa souffrir et je me demande ce que je pourrais bien faire.
Ma première idée est d'aller les rejoindre mais j'y renonce. Mon papa n'apprécierait pas. Alors je me dis que je pourrais faire comme eux et je me met à réciter mon Notre-Père que je connais depuis peu, ma grande soeur me l'a montré. Pendant que je priais encore j'entendis une voix qui à dit "LUI", suivit d'un énorme tintement de cloche très lointain.
J'étais stupéfait car je savais que personne d'autre n'avait entendu cette cloche. Il m'est impossible d'expliquer pourquoi. Le son venait d'ailleurs et je l'avais entendu, c'est tout.
Le lendemain mon papa était à l'hôpital. Pendant la nuit il fera un ACV qui le laissera paralysé du coté droit. Il ne reviendra pas à la maison et il décédera d'une crise cardiaque en septembre suivant.
Ma mère deviendra veuve avec huit enfants: la plus vieille 13 ans et la plus jeune encore aux couches. Moi je suis le sixième: deux filles, cinq garçons et une autre fille comme cadette. Ma mère ne se remariera pas et nous gardera avec elle. Ma mère m'a raconté que quelque mois après le décès de mon père, je lui ai demandé : Être mort ça veut dire qu'on ne le reverra plus jamais?
Dire qu'on a jamais manqué de rien serait exagéré mais pas de l'essentiel. En fait ce sont les voisins qui m'ont appris qu'on était pauvre. Faut dire que comme nous restions à la campagne, c'était plus facile. L'été ma mère, avec les enfants, entretenait un grand jardin pour les conserves et nous avions toujours quelques poules, des cochons et une jeune taure pour la viande en hiver. Ma mère achetait la farine aux cent livres avec le sucre et faisait beaucoup à manger. Elle se débrouillait très bien avec sa besogne.